Dans le film symbolique "Mélencholia", Lars von trier nous conte l'histoire de deux sœurs Claire et Justine dont l'existence va se dissoudre en même temps que celle de la planète. Cet évènement tragique va révéler leur profonde antinomie psychique : L'une est porteuse de la pulsion de vie ou Eros, l'autre encombrée par Thanatos, la pulsion de mort.
Claire, incarnée à l'écran par Charlotte Gainsbourg est une femme solaire, incarnée et heureuse. Elle est mariée et mère d'un enfant. Elle rayonne et essaie de se rendre utile, sympathique et aidante.
A l'annonce probable d'une collision entre la terre et la planète Mélancholia, elle refuse simplement d'y croire en disant que la vie sera toujours plus forte. Elle fait tout pour rester positive et prendre soin de ses proches.
Pendant toute la première partie du film, elle essayer d'aider sa sœur à accepter les énergies de vie.
Justine est à l'opposé de Claire. Le film commence par une longue séquence sur sa journée de mariage qu'elle est incapable de goûter, de ressentir. Elle est simplement incapable de se réjouir tant sa dépression chronique et latente l'en empêche. Elle est présente à l'événement sans pouvoir le vivre.
A l'annonce de la catastrophe qui attend la terre, elle va adopter étrangement une attitude très philosophique et même inversée. Cela lui amène un regain d'énergie et une toute nouvelle conscience.
Pendant toute la seconde partie du film, C'est elle qui va aider sa sœur à accepter la fin de la vie sur terre.
On peut considérer que ces deux forces, loin d'être opposées sont en fait complémentaires.
Eros, c'est la pulsion de vie, ce qui nous fait nous lever le matin (ce que n'arrive précisément pas à faire Justine). C'est une force active, motrice, solaire. C'est elle qui nous fait agir, créer et embrasser la vie. Elle et bien sûr liée à la force génésique ou reproductrice de l'être humain.
Thanatos est souvent décrit comme une pulsion de mort autodestructrice.
Il est cependant opportun d'y voir une autre "force" : Celle de la dissolution, de l'arrêt de la souffrance et des tensions, d'un retour à une réalité d'un niveau supérieur. Thanatos est relié à la nature de l'orgasme (appelé aussi "petite mort") : Un point de relâchement total sur tous les repères habituels.
Thanatos est comparable à ce que les bouddhistes nomment "bardo" : Un passage, une transition, une métamorphose. La mort n'est qu'un bardo parmi toutes les transitions qui émaillent notre vie.
Chaque instant de la vie est la fois une petite mort, car l'instant s'arrête, instants après instants ! On ne peut tenir le fluide de la vie entre ses mains et il faut accepter qu'il passe à travers nous dans pouvoir le garder ni le contrôler. Ce serait comme de vouloir arrêter la course des étoiles : Nous sommes condamnés à rester spectateur de cet éternel spectacle cosmique. C'est donc une invitation à goûter la saveur de chaque instant qui passe.
Au sens Jungien, on peut dire que la pulsion de mort est "l'ombre" de la pulsion de vie : Une énergie opposée, refoulée, qui reste souvent à l'état de potentiel. Pour certains individus (comme Justine), c'est l'inverse : Eros est l'ombre de Thanatos : Elle ne peut se nourrir consciemment de la vie.
"La mélancolie" de Claire est consciente : Elle sait ce qu'elle perd. La mélancolie de Justine était inconsciente. Elle ne savait pas ce qui lui manquait.
De façon tragi-comique les rôles entre les deux sœurs vont s'inverser au fur et à mesure que l'inéluctable destruction de la planète s'annonce.
Claire va complètement perdre pied et son mari (qui incarne la rationalité dans le film) va se suicider. La pulsion de vie en nous est complètement incapable de gérer son propre anéantissement. L'individu s'accroche à sa survie en oubliant de lâcher-prise...
Contre toute évidence, Claire s'emploie à vouloir préserver la vie de son fils, sombrant à son tour dans une sorte de folie qui rejette la réalité.
Justine elle, reprend en quelque sorte "vie" dans cette mort annoncée. Cela ne lui fait pas peur et il n'y a rien sur terre qu'elle regrette de quitter : Ouverture à l'inconnu ultime, lâcher-prise et foi en ce qui adviendra quoiqu'il en soit...
Elle représente donc cette capacité à croire en Soi au-delà de soi qui est une forme de transcendance. C'est également une force d'acceptation et de courage face à l'inconnu.
On voit comment le fils de Claire est nourri, bien évidemment, par les soins maternels mais aussi, au fil de d'avancée de l'histoire, par la force transcendante de Justine. Il accepte les deux énergies sans n'en rejeter aucune.
Il souhaite bien entendu vivre mais s'ouvre également à une expérience qui est de toute façon inéluctable.
En cela on peut dire qu'il maintient un équilibre dynamique entre les deux polarités, ce qui pourrait être le signe d'une parfaite santé mentale !
Le DVD du film :